Histoire

Alger est une plaie et un fardeau pour la France

Alger est un funeste présent

Je pense qu’il convient d’aller tout d’abord au fond de la question principale, celle d’utilité et d’intérêt public. Hâtons-nous donc de reconnaître ces tristes vérités contre lesquelles on se débat vainement depuis cinq ans, et qu’il faut pourtant bien avoir le courage ; de proclamer : Alger est un funeste présent que nous a fait la restauration. Quelque ; chose qu’on fasse Alger sera toujours une plaie et un fardeau pour la France. Il nous est absolument impossible d’établir notre domination à l’intérieur de la régence d’une manière sûre, et permanente partant point de sécurité pour la colonisation. Enfin, comme point militaire Alger ne sera d’aucune utilité réelle pour la France.

Tout le-monde sait aujourd’hui dans ; quel but la conquête d’Alger fut entreprise et exécutée par le gouvernement de la restauration. Ce but manqué, et la révolution de juillet accomplie ; il eut sans doute été désirable que le gouvernement nouveau put abandonner sur le champ cette fatale conquête qui désormais reste attachée à notre corps politique comme un chancre rongeur. Mais il faut avouer que, dans la première chaleur des esprits, l’opinion publique se serait soulevée à cette pensée. On eût regardé l’abandon d’Alger comme une flétrissure pour notre révolution, comme un triomphe pour, le parti vaincu ; on aurait accusé le gouvernement de céder aux exigences et aux menaces de l’Angleterre, qui pourtant n’a aucun motif pour nous envier, cette conquête car l’intérêt national,- en désaccord cette fois- avec l’honneur national, n’y trouve rien qui puisse compenser les sacrifices en hommes et en argent qu’elle nous imposé, une côte inhospitalière de tout temps redoutée des navigateurs ; point de mouillages sûrs ; point de commerce qui mérite ce nom ; point de produits du sol que nous ne puissions obtenir ailleurs meilleur marché ; un climat dévorant sous l’influence duquel nos troupes sont décimées par les maladies ; une population fanatique, hostile, guerrière, indomptable qui nous harcèle sans cesse ; et que nous ne pouvons atteindre voilà en peu de mots ce que nous offre la régence d’Alger. C’en est bien assez, ce me semble, pour justifier le ministère qui en eût proposé l’évacuation immédiatement après la révolution de juillet ; mais, enfin, un sentiment d’honneur national, qu’il faut toujours respecter lors même qu’il est aveugle, s’opposait alors impérieusement à l’abandon d’Alger. C’était donc là, il faut bien le constater, le seul motif réel et bien-fondé a alléguer pour la conservation de cette conquête ; Tout le reste est sans consistance et s’évanouit devant l’examen et la réflexion.

à suivre…

Nicolas-Louis Planat de La Faye, De la nécessité d’abandonner Alger : adressé aux deux Chambres législatives, 1836.

Précédemment mis en ligne en octobre 2012.

Nicolas-Louis PLANAT DE LA FAYE (1784-1864). Aide de camp des généraux Lariboisière et Drouot, officier d’ordonnance de Napoléon Ier aux Cent-Jours et auteur d’ouvrages politiques et historiques.

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