Un dimanche après-midi, la radio diffuse un titre de Claude Nougaro. Jusque là, rien de bien interpellant, en France, à la radio de temps à autres, on y diffuse des titres de Claude Nougaro. Des anciens, des nouveaux, toujours est-il qu’on le diffuse régulièrement.
Je vaque à mes affaires. Puis, je prête l’oreille de façon plus attentive sur ce titre, qui m’était inconnu. Les mots m’attrapent, au lasso, non pas pour des raisons artistiques destinées à me révéler des sentiments enfouis aux tréfonds de mon âme. Mais bien pour me sortir, encore une fois, de mes gonds !
Claude Nougaro, est l’une des références des auteurs, compositeurs, poètes et interprètes de l’Occitanie.
Qui ne connaît pas le langoureux “Toulouse“, hommage que l’artiste a rendu à gorge déployée sur cette ville qui l’a vu naître ?
Claude Nougaro, une icône adulée dans les années 1960, rejeté comme un malpropre des maisons de disques dans les années 1980. En bref, je n’avais ni idées préconçues, ni une volonté féroce à m’appesantir sur l’artiste.
Pourtant, cette chanson, diffusée ce jour, m’a saisie.
Saisie par les faussetés du sens donné aux mots, et pour le coup c’était plutôt “To Lose“.
Comment faire ? Dénoncer une grande icône avec pertes et fracas, ou bien vous exposer ma triste trouvaille ?
Il s’agit d’un titre datant de 2001, quelques années avant sa mort. Le titre : “Le chant du désert“.
Pour nous, 2001 a une autre tonalité… Celle du sang et des cris désespérés mais fiers, de 128 jeunes tués, de milliers de personnes blessées et violentées.
Que nous raconte Claude Nougaro dans ce texte ? Texte ciselé de jeux de mots, aux sonorités se raccordant les unes aux autres dans un écho, comme le fit Arthur Rimbaud avec son “bateau ivre”
Claude nous explique, qu’il a des soucis pour écrire.
Le drame et le vertige de la page blanche.
Il est mal. Pas bien du tout. Tout ce blanc diffusé par le papier devant lui, lui donne des hallucinations.
Il a une idée sublime… il invoque Allah.
Ça le prend comme ça, d’un coup sec. Hop, Allah ! Orientalisme oblige.
Allah lui répond, il lui fait picoler de l’eau pour le convertir, de l’eau magique qui lui fait croire qu’il n’y a jamais eu de massacres au nom du djihad.
Nous sommes tous frères, il faut faire la paix, nous sommes tous un peu Arabe quelque part, on “youyoute” les jours de mariages et tout le baragouinage pseudo fraternel.
Alors Claude lui, forcément il adore cette eau, il boit les mots, car il a très soif d’apprendre d’Allah.
Arrivent ensuite des Bédouins… dans le désert de sa page blanche… Il est visité, habité par des rôdeurs du désert.
Un véritable rêve bonapartiste.
Puis, dans un éclair, Allah est capé d’un avarnus (burnous).
Rien que ça ! Allah en burnous, dans le désert avec des bédouins…
Quel désert ?
On ne sait pas, les poètes diront “mais c’est une image“.
Mais alors quelle image ? Quelle est la parabole invoquée ?
Le burnous est typiquement berbère ! Que viennent faire les bédouins déguisés en “nous” ? Pourquoi Nougaro parle de salamalecs ? Chez nous on dit “Azul” ?
Le chanteur poursuit sa complainte, car il perd ses mots dans cette chanson… Il évoque “une langue qui se dessèche“. Le pauvre.
Sa langue s’enfuit, mais nous nous devons accepter que la notre se meure !
Forcément, nous sommes Arabes bédouinisés burnousisés !
C’est bien tout le drame de la Kabylie, notre langue s’étiole au rythme du colonialisme arabo-islamiste importé par les Bédouins. Mais les agents jacobins, modelés par l’école républicaine, n’y voit aucun problème.
Au contraire, il nous tape sur la tête pour qu’on rentre dans leur image d’Épinal : les Kabyles sont des Arabes qui s’ignorent !
La Kabylie a été arabisée, et islamisée de force.
Une grande partie de la population, en est venue à vénérer et à pratiquer la religion de ceux qui nous ont violentés…
C’est un drame psychiatrique et ontologique.
Et le Nougaro arrive avec ses Bédouins, son Allah, vole nos vêtements ancestraux pour habiller une chanson arabique !
Le Burnous nous appartient.
Ce poète, qui chantait « Il faut tourner la page. Changer de paysage », a préféré changer nos paysages en nous faisant passer des montagnes enneigées dans un désert avec thé à la menthe qu’on fait couler dans des glouglous touristiques, tout en dégustant le fameux et très inexistant “couscous brochettes” !
Le « pygmée occitan », comme il se définissait aurait mieux fait de laisser nos burnous (avarnus), et d’aller se rhabiller avec les vêtements occitans de par chez lui.
Tout comme le chantait Bourvil dans sa ballade irlandaise
“Un oranger sur le sol irlandais,
On ne le verra jamais.”
Et bien nous pouvons transposer cela, par “Un arabe, en burnous dans un désert imaginé, ça n’existera jamais !”
Écouter la chanson en question
Album : Tu verras
Éditeur : Les éditions du Chiffre neuf
Date : Janvier 2001
Nacer Ait Haddad
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