Interview

Azal Belkadi le magnifique

C. B. : Peux-tu me dire d’où provient ton amour de la musique ?

Azal BELKADI : Ma mère, qui était chanteuse, me berçait et m’allaitait en chantant. Grâce à elle j’ai pu aussi m’habituer aux percussions et à différents rythmes. Si bien que je peux chanter sur un rythme et jouer du bendir avec un autre rythme sans aucun problème. J’ai eu la chance aussi de participer à des chorales. J’ai beaucoup appris et ce, avec beaucoup de plaisir car ces chansons me rappelaient les mélodies de mon enfance, et ma chère culture kabyle.

C. B. : Je suis impressionnée par la beauté des costumes et des bijoux que tu proposes dans tes spectacles. Le bruit court que tu en es l’auteur. Tu confirmes ? As-tu reçu une formation spéciale de couturier ?

Azal : Tout d’abord, ma mère qui était tisseuse, comme de nombreuses femmes en Kabylie, m’emmenait parfois dans les opérations de teinture. J’étais subjugué par la transformation des couleurs que je voyais s’effectuer en temps réel. Je voyais comment du rouge et du jaune se transformaient en orange, le bleu et le jaune donnaient le vert, ou le violet naitre de la combinaison du rouge et du bleu ! Quand par la suite je suis allé à l’école, je connaissais déjà parfaitement les couleurs primaires et jonglais déjà avec les couleurs secondaires.

Je suis toujours passionné par les teintures et le mélange subtil des couleurs.

Depuis, je me suis naturellement intéressé aussi à la lumière qui permet de faire chanter les couleurs.

De plus, J’ai grandi dans un milieu très féminin (j’ai 4 sœurs et de nombreuses cousines) et me suis naturellement intéressé à la couture. J’ai beaucoup de plaisir à choisir et couper les tissus, créer des costumes. Je couds parfois directement sur le corps des mannequins ou des actrices, comme les robes de Sihem, la prodigieuse danseuse du spectacle, qui m’accompagne depuis des années. Celle-ci était aussi la danseuse de Idir.

J’ai aussi étudié la calligraphie aux Beaux-arts. Je me suis beaucoup inspiré des motifs berbères et des traditions ancestrales dans lesquelles j’ai été bercé depuis toujours.

C. B. : Je sais que tu fais aussi des interventions comme acteur. D’où te vient ton amour de la scène ?

Azal : Au départ, je ne cherchais pas particulièrement à être acteur. J’étais d’ailleurs d’une timidité maladive et cherchais à lutter contre ce handicap. Un thérapeute m’avait judicieusement conseillé de participer à un atelier pour me débarrasser de cette timidité qui me pesait. J’ai donc décidé de passer à l’acte en m’inscrivant dans un atelier de théâtre organisé pour améliorer la communication avec les autres.

C. B. : Mais tu as rapidement participé à des spectacles par la suite ?

Azal : En effet, j’ai eu la chance de rentrer directement par la grande porte alors qu’au départ, je voulais juste lutter contre ma timidité ! Ensuite les choses se sont enclenchées toutes seules puisque Ariane Mouchkine m’a sollicité pour intervenir avec des chants de mon patrimoine dans un spectacle. Je me suis donc retrouvé directement dans un cadre professionnel !

Par la suite, j’ai eu d’autres opportunités comme par exemple le théâtre du Bolchoï, pour le Boléro de Ravel. Au début, je devais juste intervenir comme acteur ou musicien mais un mois avant le spectacle quand j’ai pris connaissance de mon futur costume et des décors qui avaient été prévus, j’ai refusé de signer mon contrat tant que l’on ne modifiait pas ces décors et ces costumes absolument caricaturaux. La production était affolée car il ne restait plus qu’un mois pour corriger cela et lancer une nouvelle création. Je leur ai proposé de relever le défi et ai tout conçu en une nuit ! Il fallait, avec un budget très restreint, réaliser concrètement ces costumes. Toutes mes sœurs et leurs amies se sont mises à l’ouvrage et ont réussi à impressionner le Bolchoï en livrant les costumes dans un temps défiant toute concurrence ! J’avais même fabriqué les bijoux, d’inspiration berbère, selon des techniques modernes permettant de faire illusion. Le résultat était superbe et au-delà de toute espérance.

C. B. : Chanteur, acteur, scénographe, costumier, créateur de bijoux… As-tu une préférence ?

Azal : Quand on est artiste, c’est la sensibilité qui compte. On peut s’exprimer avec autant de plaisir dans différents domaines. Je m’adapte très facilement aux différentes propositions.

J’ai vécu longtemps aussi en vendant mes toiles, après mes études aux Beaux-arts d’Alger, où j’ai eu la chance d’être sélectionné sur concours. Par la suite, je m’étais spécialisé en peinture classique et j’ai eu la chance de décrocher une bourse qui m’a permis de m’imprégner sur place, des chefs-d’œuvre de la Renaissance italienne. Cela a considérablement nourri ma sensibilité et mon attirance vers la perfection des différents arts que j’aborde.

C. B. : On constate en effet une recherche de la perfection visible au niveau de la voix, des interventions diverses, de la musique et des costumes. On sent une équipe complice et bien rôdée.

Azal : En effet, Moussa Kaci m’accompagne depuis des années à la flûte. Mes choristes m’ont suivi aussi de spectacle en spectacle. J’ai effectué des tournées aussi avec cette équipe. Nadia et Rezki Rabia m’ont accompagné par exemple sur les spectacles de RACONTE’ARTS, qui se déroule chaque année en Kabylie dans un village différent sélectionné par l’équipe de Hacène Metref.

Catherine Belkhodja

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