Printemps kabyle

Le Printemps berbère par les documents

Nous avons choisi d’évoquer l’anniversaire du Printemps berbère en présentant au lecteur quelques documents de l’époque. Dans le choix que nous avons opéré, nous avons voulu sélectionner des pièces qui correspondent aux moments charnières qui marquent un changement qualitatif dans la genèse du mouvement.

Le premier document que nous reproduisons est l’article de journal « Les donneurs de leçons » de Kamal Belkacem publié dans El Moudjahid du 20 mars 1980. Le pouvoir qui contrôlait la totalité des médias (presse écrite, radio et télévision) avait opté dans un premier temps pour la stratégie de la chape de plomb : pas un mot n’avait filtré de l’interdiction par le wali de Tizi-Ouzou, de la conférence que devait donner Mouloud Mammeri le 10 mars au Centre universitaire de Tizi-Ouzou (CUTO). Encore moins sur les manifestations qui ont suivi, dès le 11 mars, cette interdiction.

En lâchant Kamel Belkacem sur Mouloud Mammeri, le pouvoir change d’orientation. C’est sans doute les quelques entrefilets parus dans la presse française faisant état de manifestations d’étudiant à Tizi-Ouzou qui est à l’origine de ce changement.

Violente, l’attaque de Kamel Belkacem écrite dans un pur style national-stalinien visait à intimider Mammeri et, au-delà, à étouffer dans l’œuf le mouvement naissant par les menaces sous-entendues. Diffamatoire du premier au dernier mot, l’article illustre bien les méthodes du régime et ses dispositions à ne tolérer aucune contestation de ses fondements arabo-islamiques.

Cette diatribe – un modèle du genre – passera sans doute à la postérité de Kamel Belkacem qui vient de décéder (12/02/2010, Marbella) en Espagne où il s’est fait … enterrer ! Lui, qui a récidivé en 1985, en attaquant Kateb Yacine dont il a dit qu’il reniera « jusqu’à son dernier lien avec sa patrie » !…

Hend Sadi

Kamal Belkacem : « Les donneurs de leçons »

Des étudiants du Centre Universitaire de Tizi-Ouzou ont exprimé leur mécontentement il y a quelques jours à la suite d’une conférence annulée d’un homme qui, pour prétendre être le chantier d’une culture berbère, n’a rien fait de tel comme contribution a son pays que rédiger un travail de « création intellectuelle sur la culture aztèque… » (1) avant d’accorder une interview à un quotidien Parisien où il confond inquisition chrétienne, monarchie marocaine et l’Islam et la Révolution algérienne.

On peut facilement comprendre pourquoi notre jeune génération a tout à gagner en se défiant de tels intellectuels (2). Les vérités d’un Kateb Yacine ou d’un Malek Haddad, même si elles ne font pas l’unanimité, sont les actes de foi patriotiques, un désir profond de communier.

L’incident que certains milieux ont tenté de récupérer n’a, il faut dire, aucune commune mesure avec la tournure qu’il a prise. Les valeurs arabo-islamiques fondamentales de notre société et, principalement l’Islam qui a trouvé le meilleur accueil en Kabylie, n’ont jamais été édifiées sur l’intolérance et le repli sur soi-même. La Nation algérienne a trouvé son unité dans sa diversité et si, à un moment donné, nous avions jugé avec une grande sévérité les passions non retenues de jeunes, enthousiastes certes, au nom de l’arabisation, il convient par ailleurs, en pareil cas de dire à ceux qui se réfugient derrière d’autres slogans, d’observer la plus grande vigilance à l’égard de ces slogans. Au moment où la Direction politique, à l’écoute des masses prend en charge tous les problèmes des citoyens, afin de les résoudre de manière globale et juste, notre peuple n’a que faire des donneurs de leçons et particulièrement de gens qui n’ont rien donné ni à leur peuple ni à la révolution, à des moments ou la contribution de chaque algérien à la cause nationale était symbole de sacrifice et d’amour de la patrie. La langue arabe – revendication de notre peuple – est notre langue nationale et il est tant qu’elle reprenne la place qui lui revient dans tous les secteurs d’activités du pays.

Nous ne pouvons en effet continuer à lier le destin des générations futures et notre indépendance à une langue étrangère qui fût la langue de nos oppresseurs, de notre dépersonnalisation.

L’arabisation, contrairement à ce qu’en pensent certains passéistes bornés et « Mac Cartyses » de la culture se traduira dans notre vie de tous les jours de façon réfléchie et révolutionnaire et avec l’adhésion de l’ensemble des Algériens. L’expérience nous a appris que toute tentative d’imposer quelque chose à notre peuple est vaine et relève d l’irresponsabilité.

La culture algérienne sortie, de ses ghettos, de ses inhibitions et de ses interdits – dus le plus souvent à quelques bureaucrates trop zélés qu’à autre chose-doit renaître grâce à l’apport des Algériens qui n’ont pas été engendrés quoiqu’en disent certains dans le berceau de la Rome antique ni dans ce du royaume du Macherek. Elle est l’expression d’une civilisation arabo-islamique qui s’est tondue harmonieusement dans les traditions et spécificités des peuples d’Afrique du Nord. Les plus grands acquis de notre peuple ne se sont pas réalisés à coups de slogans, ni contre volonté des masses populaires. » K. B.

[1] Les Aztèques ce glorieux peuple anéanti par les Conquistadores, a fait aussi l’objet d’études célèbres de la part d’un certain Jacques Soustelle de triste mémoire. Curieux choix de ce thème.

[2] S’agissant de la participation à la guerre de libération est-il nécessaire de rappeler son refus de souscrire à un manifeste en faveur du FLN en 1956 et son dédain pour les moudjahidine de 1954, qualifiés par lui dans les colonnes de l’Écho d’Alger de chacals des Aurès.

Merci de respecter notre travail.